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Pierrot Lunaire d'Arnold Schönberg : la quête d'un art total avec les DN MADe Espace, Costume de scène et Régie de spectacle

Par ISABELLE BRALET, publié le dimanche 20 mars 2022 18:03 - Mis à jour le dimanche 20 mars 2022 18:06
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Au Lycée Ledoux, ce samedi 19 mars, Arthur Schoonderwoerd au piano, entouré d'une récitante, de quatre musiciens et de deux mimes, a joué Pierrot Lunaire, un mélodrame 1912, dans le décor conçu et fabriqué par les sections DN MADe et Agencement.

Participer au spectacle du Pierrot Lunaire porté par Arthur Schoonderwœrd dans le cadre de Récréations en Musique, c’était d’abord œuvrer à un projet d’art total, à la rencontre de différentes formes artistiques, tant musicale, scénique que picturale.

La scénographie ici imaginée, qui use d’un vocabulaire minimal, doit beaucoup à Vassily Kandinsky. Ce peintre avait montré combien une grammaire picturale pure peut, en se détachant des apparences, parler à l’âme humaine. Et, alors que Kandinsky réalise, à partir de 1911, ses premières peintures abstraites, Arnold Schönberg rompt avec les codes de la musique romantique et abandonne la tonalité, en composant en 1912, sur des textes de Otto Erich Hartleben, le Pierrot Lunaire. Les deux artistes se rencontrent d’ailleurs cette année-là. Une correspondance transparait alors entre l’abstraction picturale de Kandinsky et la musique atonale de Schönberg. C’est la naissance conjointe de la peinture et de la musique modernes, et celles-ci semblent émaner des profondeurs de la psyché des deux artistes.

De son coté, Vassily Kandinsky, après avoir été appelé à enseigner au Bauhaus, théorise les bases de cette peinture abstraite dans l’ouvrage Point et ligne sur plan, en 1926.

Et c’est quelque-chose de cet ordre, à savoir réunir le point, la ligne et le plan, qui a été tenté avec ce projet scénographique. Des signes plastiques élémentaires ponctuent ainsi l’espace scénique, créant les vides où vont se mouvoir les acteurs tout autant que l’imaginaire du spectateur.

Car, pour répondre aux paysages – au sens propre comme au sens figuré ­– rencontrés dans le poème du Pierrot Lunaire, il s’agissait de trouver des formes suffisamment polysémiques, des formes amenant le spectateur à se figurer l’univers é/mouvant de ce Pierrot–poète qui doute, tout comme doutait Arnold Schönberg, traversé qu’il était de sentiments contrastés, entre désir et cruauté, entre plaisir et souffrance, entre extase et mélancolie.

Le disque, c’est bien sûr d’abord la lune, un personnage en soi, qui n’a de cesse de se transformer au fil du spectacle. C’est un tondo qui devient écran de projection ; ce peut être aussi une tête, celle qui porte l’univers mental du Pierrot.

La croix, fichée sur son socle et rongée par le clair-obscur, ouvre quant à elle sur une esthétique expressionniste, qui fait aussi écho à celle de Schönberg. Peut-être est-ce la croix portée par l’artiste. Ces diagonales tranchent l’espace ; elles matérialisent les éléments architecturés du poème, autel, mât, caveau, pavillon. Cette croix est également un véritable terrain de jeu pour les mimes.

Le voile blanc, lui, donne corps aux éléments naturels ou évanescents du poème, tout en permettant de modeler l’espace.

L’arabesque réfléchissante qui court à travers le plateau traduit les éléments liquides, fontaine, mer ou rivière, et cette dernière emporte, au baisser de rideau, Pierrot vers Bergame.

Ces éléments ne s’appréhendent évidemment pas séparément, mais comme un tout. Le décor incarne in fine un principe de variation continue, de non-répétition propre à la musique de Schönberg. Ce principe général est enflammé par la lumière et les projections graphiques, qui poussent le décor dans une métamorphose continuelle.

 

Le décor a été choisi parmi les 14 propositions pensées par nos DN MADe de 3° année. L’esquisse initiale retenue est celle de Marie. Elle été ensuite mise au point de manière collégiale, dans un va-et-vient entre les artistes de scène et les concepteurs, sur le plan créatif comme technique.

 

Citer le Bauhaus est une façon de rendre hommage à une école révolutionnaire qui avait travaillé à décloisonner et à dé-hiérarchiser les disciplines – art, artisanat et design – et où se sont croisés les différents enseignements artistiques, une école qui est encore aujourd’hui un modèle pédagogique. En effet, le spectacle du Pierrot Lunaire a permis de réunir trois des DN MADe de la filière des métiers d’art et du design, les mentions Espace du Lycée Ledoux, Costume de scène du Lycée Mont Roland à Dole et Régie de spectacle du Lycée Pasteur à Besançon. Ce projet a montré combien il est pertinent de travailler dans la transdisciplinarité.

Et pour nous au Lycée Ledoux, le Bauhaus reste une référence pas seulement parce qu’en DN MADe la scénographie y était abordée, mais aussi dans ce souci d’articuler concrètement l’art et la technique, via notre filière de l’agencement. C’est à travers des commandes comme celle-ci que nous pouvons atteindre à cette ambition, que nous pouvons la mettre en œuvre.              

 

Merci infiniment à Arthur, pour la confiance accordée en nous proposant ce projet et pour ce partenariat absolument enrichissant. Merci aux artistes, designers, enseignants, étudiants, élèves et personnel administratif, à celles et ceux qui ont participé à cette aventure artistique et pédagogique.

Équipe pédagogique DN MADe : Maéva Maurin, Tony Blanchet, Isabelle Bralet

& Bac Pro Agencement : Olivier Renaud, Pascal Dudal